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¿À l’épreuve
du doute?

J’aime la forme des caractères, leurs infinies variations jusque parfois dans l’errance. Il m’arrive de les aimer (et de jouer avec) presque autant que j’aime le doux gris des pages que l’on compose.

Cependant, ¿À l’épreuve du doute? n’est qu’une sotie et on n’est pas obligé d’imiter mes bêtises : un de ces points d’interrogation, celui du StempelSchneidler, est culbuté, renversé— il cherche sa place ; à la fin, j’ai même fini par douter du dessin originel du signe (qui est celui placé à droite de cette interminable phrase).

J’aime aussi, et par-dessus tout, le travail de labeur : le flot continu du texte dans les colonnes. Mais cette semaine-là, on m’avait mis (travail forcé) sur l’étude d’un gris typographique qui sache embellir un roman tellement médiocre, et sur un empagement si banal, que le mieux était encore d’en rire. Le résultat est ici (en réduction) — je ne m’en suis pas trop mal tiré, je crois :


Janvier 2004
Composition en Baskerville Monotype
Format : 13 × 22

Un bienheureux hasard fut qu’au même moment, certaine princesse (et ancienne ministre des Mots qui dansent, d’une République insulaire trop tôt disparue) me fit part de son trouble devant le dessin souvent étrange, en tout cas très varié, des points d’interrogation dans les diverses polices de caractères qu’il lui était donné de lire.

Ici, quelques exemples choisis dans des polices très classiques
 [1] :

De gauche à droite et de haut en bas, les points d’interrogation de :
Filosofia, Goudy, Barbedor, Apolline, Barmeno, Meta, Scala, LinoLetter ;
NewCaledonia, Baskerville MT, Bullmer, Garamond 3, Trump Mædieval, Sabon ;
Fairfield, Kinesis, Janson, Dante, Requiem ;
StempelSchneidler.

Je lui expliquai alors combien ce signe est difficile à dessiner, en raison du vide créé par la courbe du haut, vide accentué par l’espace fine qui le précède. Ce vide qu’il faut bien combler ou rattraper, d’une façon ou d’une autre, grâce à un artifice de dessin : on n’aura pas toujours la chance de composer un « ? » juste après une capitale ou un signe haut avec hampe à droite, comme le « l », le « d » ou le « ! », auquel cas le problème ne se pose évidemment pas. Qu’il faut aussi compter avec le ¿ espagnol, redoutable parce que ce vide vient s’inscrire dans le blanc des interlignes — le ¿ étant en principe décalé vers le bas par rapport à la ligne de base.

Que cette difficulté permet et même induit : variantes, fantaisies et parfois légers délires.




L’autre hasard déclencheur fut, quelques jours plus tard, un mail venu comme en écho d’une « typote » de mes relations. Elle me signalait (sans rien connaître de la conversation précédente) le très curieux point d’interrogation du StempelSchneidler.

Ça tombait vraiment très bien, et il ne m’en fallait pas plus pour égayer mon week-end, en malmenant un peu ce signe déjà particulièrement tordu. (Téléchargement du PDF).



Janvier 2004
Format : 21 × 29,7

¿À l’épreuve du doute? est un divertissement sans prétention, une plaisanterie faite aux dépens de fondeurs un rien trop compliqués. Il n’empêche…

Il n’empêche que la question demeure :



[1] Au passage, j’ai pu vérifier, lors ce petit travail d’étude des points d’interrogation, ce que je soupçonnais depuis pas mal de temps : le talus d’approche de gauche des signes hauts varie (selon les polices) du simple au décuple et plus ! Dans les polices présentées ici, et pour le seul point d’interrogation : 0,9 % de cadratin pour le Meta, 11 % pour le Sabon. Comment s’y retrouver ? Cherchez l’erreur.
Est-ce une manière, pour les dessinateurs américains, de contourner la disparition de facto de l’espace fine dans la composition anglo-saxonne ? Est-ce une façon de « tricher » en imposant aux compositeurs une fine inscrite en dur, dans la police elle-même, et ceci sans rien dire à personne ? Possible, mais cherchez l’erreur — car on serait en pleine incohérence : dans le Sabon, il n’y a par exemple pas de pseudo-fine avant le point d’exclamation.
Reste que nos savantes études au cas par cas sur la valeur de l’espace avant les signes hauts se trouvent et par avance totalement disqualifiées… Accessoirement, tout ça rend absolument impossible une composition un tant soit peu maîtrisée. Cherchez-la donc, cette erreur.


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