Recherche
sur le site










Ceux que ça intéresse
trouveront ici
mon CV



Abonnement
au flux RSS

Site sous licence Creative Commons (BY-NC-SA)

















Le jour où j’ai mangé mon père
Ou : les mille et une recettes de la typographie

Pour mon aimée, A.-D. M., dont la passion
gastronomique est bien connue de tous…

… Et pour ma sœur Luche, inspiratrice
involontaire de ce souvenir typographique.






« L’origine de la boulette se perd dans les méandres de l’histoire culinaire. […]
La boulette est d’ici et de partout ailleurs, sans que la moindre restriction ne puisse
être envisagée. Chaque peuple pense sa boulette unique et il a raison : elle l’est.
 »

« Boulettologies », Site web du restaurant Au BDV, Clermont-Ferrand
.
















Essai pour des panneaux d’exposition
(détails, ici en réduction).
Composition en Verlag Bold corps 250
et Verlag Book corps 70, février 2019.






La recherche d’une police de caractères doit parfois tout au hasard et aux rencontres. Pour ce petit exercice de piété filiale, de mémoire familiale et de mémoire culinaire, de mémoire amoureuse aussi, l’un et l’autre ont été mobilisés.

Tout d’abord, c’est ma sœur Luche qui un beau jour m’a demandé si j’avais souvenir des plats de mon enfance. Quelques mets me sont revenus, et brusquement le rappel des boulettes de viande que confectionnait mon père s’est imposé : j’en avais mangé juste après sa mort, qu’il avait cuisinées lui-même. J’avais raconté ça, bien des années plus tard, à mon elfe Anne-Doris — dans un petit texte aussi brièvement écrit que j’avais avalé ces boulettes : d’un seul coup. Pourquoi ne pas le mettre en page ?

L’autre rencontre est elle aussi extrêmement hasardeuse : elle s’est effectuée avec une police de caractères. J’avais tenté au cours de l’hiver 2019 d’utiliser le Verlag de la fonderie Hoefler, une superbe linéale à mi-chemin entre l’esprit Art nouveau et les travaux géométriques de Paul Renner (le créateur du Futura), pour des panneaux d’exposition : la clarté de son dessin et son aspect mi-rétro, mi-audacieusement moderne, me semblaient se prêter au propos. Le client potentiel a été peu convaincu par mon travail, lui préférant une esthétique digne de Soixante millions de graphistes : l’affaire ne s’est pas faite.





Le jour où j’ai mangé mon père (page entière, en réduction).
Composition en Verlag Bold corps 12,5
et Verlag Book corps 10,5 et 9,5, format : 10 cm × 10 cm
.
Mars 2019.
Téléchargement du PDF.





J’avais néanmoins conservé mon envie de mettre le Verlag au travail : alors, pourquoi ne pas l’essayer ici, dans une tentative mêlant l’objectivation du texte et sa discrète mise en spectacle ?

Ça fonctionnait plutôt bien, mais j’ai eu un remords : le Verlag ne se prêtait guère à la nature plutôt littéraire, presque affectée, de mon petit texte. N’aurait-il pas fallu plutôt le composer avec une police plus classique, plus adaptée peut-être à la sentimentalité qui en découle ? Pourquoi, somme toute, ne pas le composer avec le Baskerville MT, police que j’affectionne particulièrement, et ceci depuis longtemps ?

Un essai s’est vite avéré concluant, mais bien entendu la lecture induite par cette police très classique est extrêmement différente, presque à rebours de celle qu’impose l’emploi en Verlag. Était-ce mieux, était-ce moins bien ? Je voulais composer à l’identique, mais le Baskerville MT est très clair, alors il m’a fallu resserrer un peu mon gris en diminuant la force de corps, l’interlignage et la taille du pavé de texte, pour parvenir à le mettre en parallèle avec la composition en Verlag Book, qui est bien plus dense.








Le jour où j’ai mangé mon père (page entière, en réduction).
Composition en Baskerville Semi-Bold corps 11
et Baskerville Regular corps 10,25 et 8,5,
format : 10 cm × 10 cm
.
Mars 2019.
Téléchargement du PDF.

Le jour où j’ai mangé mon père (page entière, en réduction).
Composition en Verlag Bold corps 12,5
et Verlag Light corps 10,75 et 9,3,
format : 10 cm × 10 cm
.
Mars 2019.
Téléchargement du PDF.









Et du coup, j’ai aussi essayé la version Light du Verlag, afin d’alléger un peu l’atmosphère dramatique suscitée par le gris dense de la version en Verlag Book, mais augmentant un rien la force de corps pour me rapprocher du gris généré par le Baskerville MT.

Je n’étais pas plus avancé : j’aime bien les trois versions…


Réglages
et miscellanées

« L’art du typographe consiste précisément à trouver les valeurs
[de réglage des espaces] qui font que ça ne se ressente pas… »

BARON, forum « Graphisme/PAO/CAO/3D » de MacBidouille, le 7 mars 2019.







Les mesures de la version
composée en Verlag Book.
Format de la page : 10 cm × 10 cm.







• Phénomène classique, bien connu des typographes et des graphistes, et confirmé par les scientifiques, les horizontales paraissent toujours plus grandes que les verticales, même quand elles sont de taille égale [1] : mes pavés de texte en carrés rigoureux semblaient un peu allongés, à l’italienne. Phénomène ici accentué par des marges très grandes qui empêchent l’œil de prendre ses repères et surtout par les trois lignes vides du bloc d’empagement, l’une sous le titre et les deux autres en dessus et au-dessous du second paragraphe, qui créent comme un trou et un déséquilibre dans le bloc. Alors, j’ai dû me résoudre à allonger verticalement les pavés de texte, pour qu’ils ressemblent à peu près à des carrés : il arrive qu’on soit obligé de tâtonner et de tricher…
• Problème optique, toujours : les blocs de texte sont placés dans des pages de 10 cm × 10 cm, où ils sont centrés horizontalement ; les marges sont donc égales à droite et à gauche. En revanche, j'ai prévu un blanc de tête (légèrement) plus petit que le blanc de pied, pour qu’on n'ait pas la sensation que le texte est en train de tomber.
L’apostrophe du Verlag m’a paru trop haut placée, alors je l’ai légèrement descendue [2].






Ligne bleue : la position « normale » du sommet de l’apostrophe.
Ligne rouge : l’apostrophe très légèrement descendue.





On verra dans les réglages des C&J que j’ai un peu surinterlettré le Verlag : il m’a semblé qu’à cette force de corps, les lettres se bousculaient.
Partout, j’ai diminué la valeur par défaut de l’espace, parfois très fortement. En revanche, la « fine » est un peu forte (35 % du cadratin), et encore m’a-t-il fallu en plus écarter, un peu et à la main, le « f » du « Ouf » et le point d’exclamation qui le suit, au dernier paragraphe de la version en Verlag Book.
• Ça m’amusait de mettre un point à la fin du titre, même dans la version centrée : à l’ancienne.






La Science pratique de l’imprimerie,
par Jean-Dominique F
ERTEL, 1723






Pour compenser un peu ce point final et rétablir le centrage optique, j’avais commencé par mettre un point transparent au début de la ligne de titre en baskerville et j’ai fait de même pour les lignes de signature en Verlag (voir également sur cette page web, où cette question est longuement débattue). Mais pour le titre en baskerville, ça n’a pas suffi : le début de la ligne de titre et le début de la ligne d’en dessous étaient presque alignés, en raison du retrait d’alinéa, et ça faisait très bizarre. Du coup, j’ai mis deux points transparents (en gris sur l’illustration ci-dessous) pour parvenir à ce que la ligne paraisse centrée.



Format des pages : 10 cm × 10 cm.
Paramètres de la version en Verlag Book : titre en bold : corps 12,5, texte : corps 10,5, signature : corps 9,5. Interlignage du texte : 12,7.
Taille du bloc de texte : 66 mm 
× 71 mm.
Espace-mots : optimum à 80 %, minimum à 70 % et maximum à 90 %.
Interlettrage : optimum à 0 %, –2 % au minimum, +3 % au maximum.

Paramètres de la version en Verlag Light : titre en bold : corps 12,5, texte : corps 10,75, signature : corps 9,3. Interlignage du texte : 12,7.
Taille du bloc de texte : 66 mm 
× 70 mm.
Espace-mots : optimum à 80 %, minimum à 70 % et maximum à 90 %.
Interlettrage : optimum à 0 %, –2 % au minim
um, +3 % au maximum.
Paramètres de la version en Baskerville Regular : titre en semi-bold : corps 11, texte : corps 10,25, signature : corps 8,5. Interlignage du texte : 12,5.
Taille du bloc de texte : 63 mm 
× 67 mm.
Espace-mots : optimum à 70 %, minimum à 65 % et maximum à 95 %.
Interlettrage : optimum à 0 %, –2 % au minimum, +2 % au maximum.


[1] La différence constatée est d’environ 7 %. Par exemple, une ligne verticale d’un centimètre d’épaissseur semble être plus fine de 7 % qu'une horizontale qui fait elle aussi un centimètre d’épaissseur.
[2]
Mais si, en production, j’avais un travail vraiment très soigné à effectuer en Verlag, sans doute déplacerais-je cette apostrophe subtilement fautive à l’aide d’un logiciel d’édition de police de caractères, pour régler le problème définitivement.


Retour au sommaire :