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L’Auriol, en police de labeur…
Sur le Droit à la paresse, de Paul Lafargue



Juillet 2003
Composition en Auriol, corps 11,5
Format : 14,2 cm × 20,8 cm
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Composition de la couverture :
Auriol (nom de l’auteur)
et Raphael (titre de l’ouvrage)






Le Droit à la paresse, de Paul Lafargue (1880, 1896), est sans doute le pamphlet le plus violent et le plus réjouissant — le plus fertile, aussi — qu’on ait jamais écrit contre le travail : il n’était pas question de composer ce texte magnifique, grand classique du mouvement ouvrier révolutionnaire, dans une police de labeur

L’Auriol, un caractère « Art nouveau » rempli d’humour, m’a semblé pouvoir convenir à mon dessein : une burlesque série de contresens. Et de fait, sa lecture fonctionne très bien (même si les notes en bas de pages sont ici un peu sacrifiées) pour ce texte en pavé.

Un aveu cependant : mon « audace » était très mesurée : le grand Thibaudeau (celui de la classification) avait déjà choisi cette police pour faire composer son manuel de typographie [1] !

Remarque complémentaire : Georges Auriol voulait réellement dessiner une police de labeur. Mais la version numérique (Adobe) de la police est calquée sur un grand corps (vraisemblablement le corps 48, destiné à l’annonce et à la titraille…), et ne respecte ni le dessin, ni la métrique des corps 10 et 12 de la police d’origine. En somme, j’ai travaillé, bien obligé mais sans le savoir, non pas avec un supposé « Auriol labeur », mais avec un bien réel « Auriol titrage »…

Pour la couverture, j’ai voulu changer de style et risquer ma chance avec du Raphael, une police gentiment déjantée, à l’authenticité douteuse et au dessin farfelu. Les embossages et les reliefs sont un hommage aux ébouriffantes couvertures gaufrées des supposés « best-sellers » qui parsèment nos plages lors des mois d’été.

Le colophon est bien plus qu’au carré. Il recèle aussi une petite énigme : au lecteur et à la lectrice de deviner laquelle (on n’y gagne pas grand-chose, hormis mon admiration éternelle !)

Techniques et fariboles

L’Auriol en version numérique n’a pas de chiffres elzéviriens : j’en ai dessiné un jeu (en vitesse, et sans doute plutôt mal que bien), rectifiant au passage et dans Fontographer quelques paires d’approches et allongeant la barre horizontale du « t », si courte dans la version originale que cette lettre semble toujours être un « l ».

Pour compenser la perte de graisse des petites capitales, j’ai créé une police demi-gras (par interpolation des versions standard et bold). J’aurais pu directement dessiner ces petites capitales, mais ça ne m’a pas paru nécessaire.

Comme dans beaucoup de polices dues à des fondeurs américains, la valeur de l’espace de l’Auriol numérique est beaucoup trop grande : je l’ai diminuée dans le logiciel de composition (XPress). En revanche, il m’a semblé indispensable d’interlettrer fortement le texte, pour laisser respirer chaque lettre et rendre la lecture plus facile. De même, l’interlignage est ici plutôt grand, ce qui n’est pas dans mes habitudes ; mais l’Auriol est si gras qu’avec un interlignage plus petit, les pages auraient été d’une densité de gris probablement insupportable.


Le format des pages et l’empagement ont été décidés de chic, après de nombreux dessins et essais à partir du Nombre d’Or, du canon de Honnecourt, de celui des imprimeurs. Rien ne fonctionnait vraiment, et j’ai une nouvelle fois décidé de m’en remettre à mon intuition, en équilibrant les masses de gris et de blanc à l’aide de l’œil et de la main (c’est par hasard que j’arrive ici à un format de papier proche du A5).

Depuis un petit bout de temps (depuis Hermès dévoilé, je crois), les formules classiques d’empagement ne me conviennent plus. Certes, elles sont si fiables qu’elles permettent de ne jamais se tromper. Mais elles ne déroutent pas le lecteur, ou plus exactement elles ne le mettent pas sur la bonne route, ni ne valorisent le texte dans la double page… Je n’ai pas d’explication à ce phénomène qui m’est entièrement personnel.


Vignette en Auriol Flowers
pour la quatrième de couverture


Car il y en a que ça intéresse…

Si, si, il y a des gens friands de détails sur les manières de faire. Alors, en voici quelques-unes :

Format de page : 14,2 × 20,8 cm.
Colonne : 9,13 × 14,3 cm.
Texte en Auriol, corps 11,5, interligné 14,5.
C&J du texte courant : espace minimale : 85 %, optimale : 90 %, maximale : 95 % ; interlettrage minimal : 3 %, optimal : 4 %, maximal : 7 %.



Aux voleurs de bien commun !
(Janvier-février 2014)

Une milice privée à la solde de nombreux éditeurs, Attributor, m’informe pour la seconde fois en un an que le Droit à la paresse serait la propriété exclusive et inaliénable d’un de ses clients, la maison d'édition Editis : en effet, une des filiales de ce conglomérat, nommée La Découverte, a réédité ce texte en l’augmentant d'une préface et d’une étude critique. Et voilà qu’Attributor prétend qu’Editis serait à ce titre dépositaire des droits sur l’œuvre de Paul Lafargue et me somme de retirer le PDF que vous pouvez télécharger ici, sous peine des plus graves représailles !

Paul Lafargue est mort en 1911, voilà qui ne trouble guère ni Editis ni ses mercenaires. Mais on ne s’étonnera pas que des détrousseurs de morts et de vivants aient aussi des mœurs, une mentalité et des pratiques de gangsters.

Calimaq, dans un excellent billet publié sur son indispensable blog Silex, fait longuement le point sur cette affaire, en élargissant son propos sur les dérives du copyfraud. Et surtout, il appelle à lutter et à résister contre ce genre de pratiques, en l’occurence et très concrètement en diffusant et en disséminant le PDF de cette version du Droit à la paresse.

Qu’il en soit remercié !
Le 5 février 2014…

Dernière minute (6 février 2014, 6 h du matin) : suite à la mobilisation, Attributor vient de retirer sa demande…


[1] Francis THIBAUDEAU, la Lettre d’imprimerie et 12 notices illustrées sur les arts du livre, préface de Georges Lecomte, Le Bureau de l’édition, Paris, 1921, et Manuel de typographie moderne, Le Bureau de l’édition, Paris, 1924.


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